Le 14 Juillet de mon village de France

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À travers les yeux de son grand-père, Pascal Inard nous dresse le portrait tendre et comique d’une France paraissant sortir tout droit du ‘Jour de Fête’ de Jacques Tati.

Voilà comment mon grand-père Fernand m’a raconté le 14 Juillet de son village au bon vieux temps.

La veille du 14 Juillet, j’avais été contacté par la municipalité afin de représenter l’armée de l’air aux cérémonies du lendemain.

Le rassemblement avait été fixé à 8 heures par le lieutenant Raidillon, commandant du corps des sapeurs-pompiers ; l’heure devait être rigoureusement respectée, avait-il précisé.

À partir de 8 heures 45, un à un, par sentiers, chemins vicinaux et communaux nos braves pompiers apparurent. Après avoir pansé  le bétail, mangé  la soupe à l’oignon et les œufs au lard et bu quelques verres de vin du pays, ils étaient en pleine forme !

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Bientôt les commandements retentirent ; sur un « à droite, droite », la moitié tourna… à gauche. Les moustaches du lieutenant Raidillon, pourtant pleines d’autorité, frémirent. L’ordre tant bien que mal rétabli, le cortège  repartit jusqu’à ce que Raidillon crie « Arrêtez, arrêtez, imbéciles, vous avez oublié le drapeau à la mairie ! »

Quand enfin nous arrivâmes au monument aux morts, le maire prononça son discours. Ensuite les enfants des écoles entonnèrent le chant du départ alors qu’en même temps les chanteurs de la paroisse commencaient la Marseillaise et que Popol le garde champêtre, plein de zèle, soufflait dans son clairon les premières notes de « Au Drapeau ».

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« Arrêtez, arrêtez ! », hurla Raidillon. Après un garde-à-vous impeccable, notre lieutenant reprit la parole : « Nous allons maintenant observer une minute de silence pour les  morts de la guerre 14-18, 39-45 et les guerres à venir ». A ce moment-là, un vacarme se fit entendre de l’autre côté : Gégène juché sur son vieux vélo arrivait à toute vitesse en hurlant « Popol, les vaches de l’Ernest sont dans mon champ ! ».

Après s’être fait sermonner par Raidillon, Gégène assista à la deuxième minute de silence,  rendant ainsi hommage à nos disparus.

Ensuite tout le village se rendit dans la cour de l’école où était dressé un mât de cocagne auquel étaient suspendus saucissons, gâteaux, bonbons et paquets de tabac.

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Le maire prononça un autre discours et demanda à Popol de faire une démonstration. Tout fier de cet honneur, il bomba le torse, cracha dans ses mains et empoigna le mât à pleines mains. Encouragé par la foule, haletant, grognant, jurant et suant, il arriva enfin au sommet. Au moment de décrocher le paquet, catastrophe ! Voilà notre homme qui glisse le long du mât et tombe sur l’arrière train, provoquant l’hilarité générale.

Le soir, la municipalité de mon village, n’ayant pas les moyens d’offrir un feu d’artifice à ses administrés, organisait à la place un bal dans la salle des fêtes. L’orchestre était constitué de l’accordéoniste Jojo qui faisait aussi fonction de batteur.

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Le maire ouvrit le bal et Popol invita sa belle-sœur à être sa cavalière.

L’accordéoniste joua une valse endiablée du bon vieux temps. Popol (1m52, 48kg) tournoyant dans les bras de sa belle-sœur (1m67, 80kg), décollait progressivement du parquet emporté par la force centrifuge de ce tourbillon effréné. Tout à coup, dans un dérapage incontrôlé, Popol s’écrasa au sol, recevant sa belle-sœur sur le poitrail. Popol lui ayant servi d’amortisseur, la belle-sœur n’avait aucun mal.

Popol quant à lui était dans le cirage et il fallut trois verres de vin avant qu’il reprenne ses esprits. Après s’être fait copieusement sermonner par Dédée qui nous reprochait d’avoir démoli son époux et d’avoir oublié le képi, nous retournâmes au bal qui se termina fort tard dans la nuit.

Image Credits:
1. Mon grand-père Fernand, officier de larmée de lair
2. La place du village le jour du 14 Juillet
3. Un mât de cocagne 
4. Un garde-champêtre 
5. Alain Delot, Accordéoniste de son site officiel

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Pascal Inard

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One Comment

  1. clairegomolla Jul 17, 2012 at 12:08 PM - Reply

    Un joli récit plein de nostalgie et de joie d’Antan. Merci pour ces souvenirs partagés et ce bout de France du “bon vieux temps”.

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