Interview: Boris Lojkine, director of film ‘The Story of Souleymane’
Cynthia Karena’s interview with Boris Lojkine, director of The Story of Souleymane [<-read film review ]
1. This is a wonderful film. Of all the stories in Paris, why this one?
C’est un film merveilleux. De toutes les histoires de Paris, pourquoi celle-là?
Je n’ai jamais fait de film racontant des histoires françaises comme on en trouve dans le cinéma français majoritaire. Depuis le début, je m’intéresse aux vies marquées par la migration.
La question pour moi serait donc plutôt : de toutes les histoires de migrants, pourquoi celle-là ? Deux raisons :
1) le livreur sans papiers est typique d’une nouvelle forme d’exploitation propre au capitalisme numérique le plus récent. En ce sens, c’est une figure particulièrement contemporaine, qui dit quelque chose de notre monde le plus actuel.
2) cet homme à vélo est une magnifique promesse de cinéma.
I have never made a film telling French stories like we find in French cinema. From the beginning, I have been interested in lives marked by migration.
The question for me would rather be: of all the migrant stories, why this one?
Two reasons:
1) the undocumented delivery person is typical of a new form of exploitation specific to the most recent digital capitalism. In this sense, he is a particularly contemporary figure, who says something about our current world.
2) this man on a bicycle is a superb promise of cinema.
2. Abou Sangare is superb. How did you find him?
Abou Sangare est superbe. Comment l’as-tu trouvé?
Nous avons fait un grand casting sauvage, commencé dans les rues de Paris auprès des livreurs et continué à travers les associations et les réseaux de Guinéens en France. Nous avons finalement trouvé Abou Sangaré dans une petite ville du nord, Amiens. Il n’avait jamais joué.
We did a big wild casting call, starting in the streets of Paris with delivery people and continuing through the associations and networks of Guineans in France. We finally found Abou Sangaré in a small northern town, Amiens. He had never acted before.
3. Was it a conscious decision to not have any well-known ‘stars’ in the film? And if so, why?
Était-ce une décision consciente de ne pas avoir de « stars » bien connues dans le film? Pourquoi ?
J’aime travailler avec les non-acteurs. Je l’ai fait dans mon premier film, « Hope » et dans une moindre mesure dans le deuxième, « Camille ». Cela implique une autre manière de travailler que j’aime particulièrement, où il faut être attentif à ce que les interprètes peuvent amener au film, par leur histoire personnelle et leur compréhension intime du milieu qu’on veut dépeindre.
Dans un film ultra-réaliste comme entend l’être « L’Histoire de Souleymane », voir soudain un visage connu brise le sentiment de réel, l’impression de voir un film qui donne presque l’illusion d’être un documentaire.
J’ai quand même fait jouer la dernière scène à Nina Meurisse, une actrice bien connue en France, surtout après sa participation à deux séries très vues, « La Fièvre » et « Coeurs noirs ». J’avais besoin d’une alliée solide pour m’aider à emmener Abou Sangaré jusqu’au bout de cette scène hors norme. Nous nous connaissons bien avec Nina, elle était l’héroïne de mon dernier film. Elle a apporté à cette dernière scène sa présence juste, mais aussi sa grande générosité qui a permis à Abou Sangaré de se transcender.
I like working with non-actors. I did it in my first film, “Hope” and to a lesser extent in the second, “Camille”. This involves another way of working that I particularly like, where you have to be attentive to what the performers can bring to the film, through their personal history and their intimate understanding of the environment that we want to depict.
In an ultra-realistic film like “The Story of Souleymane” is intended to be, suddenly seeing a familiar face breaks the feeling of reality, the impression of seeing a film which almost gives the illusion of being a documentary.
I still had Nina Meurisse play the last scene, a well-known actress in France, especially after she participated in two very popular series, “La Fièvre” and “Coeurs noirs”. I needed a strong ally to help me take Abou Sangaré to the end of this extraordinary scene. We know each other well with Nina, she was the heroine of my last film. She brought to this last scene the correct presence, but also her great generosity which allowed Abou Sangaré to transcend himself.)
4. What’s the deeper message behind this film?
Quel est le message le plus profond de ce film?
Je ne fais pas de film pour délivrer un message. Mais je propose une expérience au spectateur : et si vous passiez 48h dans la peau de ce livreur, une personne qui pour nous tous n’est généralement qu’une silhouette croisée furtivement ?
I don’t make a film to deliver a message. But I offer an experience to the viewer: what if you spent 48 hours in the shoes of this delivery man, a person who for all of us is generally just a silhouette we pass furtively?
5. What was the reasoning behind us not knowing if Souleymayne attained legal status or not?
Quelle était la raison pour laquelle nous ne savions pas si Souleymayne avait atteint le statut légal ou non?
Il y a d’abord une raison qui relève du réalisme : dans ce genre d’entretien, on ne dit jamais à la fin quelle sera la décision ; celle-ci ne vient que plusieurs mois plus tard, bien après le cadre temporel choisi par le film.
Mais il y a aussi une raison d’ordre dramaturgie. Je ne veux pas dire au spectateur ce qu’il doit penser de cet entretien, j’aime bien qu’à la fin il se demande : que va-t-il arriver à Souleymane, va-t-il recevoir l’asile?
Et surtout, ce qui est une autre question: que devrait-il lui arriver ? Où est la justice ? Souleymane, qui a menti, qui est donc un tricheur, mais qui semble une bonne personne, devrait-il recevoir ses papiers ? Il est bon que le spectateur sorte en reposant des questions.
First of all, there is a reason that comes down to realism: in this type of interview, we never say at the end what the decision will be; this only comes several months later, well after the time frame chosen by the film.
But there is also a dramaturgical reason. I don’t want to tell the viewer what to think of this interview, but I like that at the end people will ask themselves: what will happen to Souleymane, will he receive asylum?
And above all, there is another question: what should happen to him? Where is justice? Should Souleymane, who lied, who is therefore a cheat, but who seems a good person, receive his papers? It is good for the viewer to leave asking questions
6. How did the actors respond to the finished film?
Comment les acteurs ont-ils réagi au film terminé?
Abou Sangaré a eu du mal à voir le film au début. Surtout la scène finale. Ça l’a plongé dans de mauvais souvenirs (il n’a pas fait de demande d’asile en France, mais il a fait des demandes administratives qui y ressemblent beaucoup et n’ont pas eu une issue favorable) et l’a renvoyé à sa situation actuelle, pas encore réglée. Maintenant, après plusieurs visions, il aime beaucoup le film, mais à Cannes, l’émotion du film, alors qu’il s’y était pourtant préparé, l’a submergé. Pour les autres interprètes, c’est plus simple, c’est que du bonheur, ils adorent le film.
Abou Sangaré had difficulty watching the film at first. Especially the final scene. It plunged him into bad memories (he did not apply for asylum in France, but he made administrative requests that were very similar and did not have a favorable outcome) and sent him back to his current situation, which has not yet been resolved. Now, after several viewings, he really likes the film, but at Cannes, the emotion of the film, even though he had been prepared for it, overwhelmed him. For the other performers, it’s simpler, it’s pure joy, and they love the film.)
7. Anything else you’d like to add?
Avez-vous autre chose à ajouter?
Non, je vous remercie. J’espère que le film vous touchera à Melbourne autant qu’il touche en France. Le film montre un Paris qu’on n’a pas l’habitude de voir à l’étranger, très loin des clichés touristiques de la ville. Mais je vous le garantis, Paris, c’est ma ville, je la connais.
No, thank you. I hope the film touches you in Melbourne as much as it touches those in France. The film shows a Paris that we are not used to seeing abroad, very far from the tourist clichés of the city. But I guarantee you, Paris is my city, I know it.
Have you seen this film yet?
Image credits: MIFF