Interview: Marina Ferretti Bocquillon, Musée des impressionnismes – Part 2

Judy MacMahon - Interview Bocquillon - Ma Vie Francaise - My French Life  - www.MyFrenchLife.org

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Suite de notre rencontre avec Marina Ferretti Bocquillon, Directrice Scientifique du Musée des impressionnismes de Giverny et conservatrice de l’exposition Radiance: The Neo-Impressionists à Melbourne. 

Dans quelle mesure les contextes historiques et sociaux de ce mouvement sont-ils importants ?

Sur le plan politique, le XIXe siècle voit la mise en place du régime républicain, mais il ne s’impose pas sans heurts et les révolutions se succèdent tout au long du siècle. La Commune de Paris, la dernière d’entre-elles, est étouffée par une répression sanglante qui marque durablement la sensibilité d’un artiste comme Maximilien Luce.

La classe ouvrière se structure et on assiste à la naissance du socialisme et des syndicats. Dans l’exposition, les œuvres de Maximilien Luce ou de Georges Morren témoignent de leur engagement auprès des travailleurs.

Parallèlement, l’anarchie se développe et trouve un écho chez les artistes au cours des années 1890, en particulier parmi les néo-impressionnistes qui, à l’exception de Seurat, sont presque tous les sympathisants déclarés des idées de Kropotkine. Pissarro, Signac, Cross ou Van Rysselberghe aspirent à une société idéale où les activités humaines se développeraient en harmonie avec la nature : les paysages arcadiens peints dans le Midi que nous pouvons voir dans l’exposition expriment cet idéal.

Quels changements majeurs ont eu lieu à cette période ?

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N’oublions pas, parmi tant d’autres révolutions, l’ampleur du développement technique et scientifique au XIXe siècle avec ses conséquences sur la pratique artistique. Cela commence avec l’invention du crayon Conté en 1795, puis celles des couleurs en tube et du chevalet pliant qui facilitent le travail des peintres en plein air.

Il y a aussi l’industrialisation de la production du papier qui permet aux artistes de dessiner sans retenue. Le développement de la chimie enfin, qui multiplie à l’infini la gamme des pastels… Sans oublier les études scientifiques sur la perception des couleurs qui seront fondamentales dans l’élaboration du néo-impressionnisme.

Qu’est-ce que le public d’aujourd’hui peut-il retirer du mouvement Néo-Impressionniste ?

Au delà du plaisir que nous éprouvons face à l’éclat de leur couleur et de leur lumière, les œuvres néo-impressionnistes décrivent un moment historique très particulier, celui où notre sensibilité moderne s’élabore.

La révolution industrielle entraîne la naissance d’une classe moyenne qui ne tardera pas à devenir la force vive de nos économies. Ce sont les bases de la société de consommation qui se mettent en place, avec tout ce qui participe à notre mode de vie moderne.

Dans le Paris d’Haussmann on assiste à l’invention de la mode et à la naissance des grands magasins. L’éclairage urbain facilite l’essor d’une vie nocturne et l’opéra, le café concert ou le cirque, sont en plein essor. C’est aussi la grande époque du développement du chemin de fer.

La notion de loisir est toute neuve : le dimanche, les citadins les plus modestes se bousculent sur les bords de Seine et l’été, les plus privilégiés découvrent les nouvelles stations balnéaires. On ressent déjà la nostalgie d’une nature intacte, on découvre la pratique des sports et du tourisme… Tout cela est resté très actuel !

Le Neo-impressionnisme ou Pointillisme est souvent considéré comme une extension du mouvement impressionniste, mais en réalité il s’est plutôt développé en opposition. Pourquoi cela ?

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Comme les impressionnistes, les « néos » décrivent la vie moderne, s’intéressent à la traduction de la lumière et privilégient l’usage des couleurs claires. Mais à l’inverse de leurs prédécesseurs qui s’efforcent de capter un moment éphémère, Seurat et ses amis s’attachent à saisir l’essence même d’une scène ou d’un paysage. Pour cela ils synthétisent les formes, éliminent les détails et la réalité qu’ils évoquent prend une allure géométrique.

De la même manière, ils souhaitent donner plus de force à leurs couleurs en évitant de les mélanger. Ils s’intéressent aux théories de leur contemporain Eugène Chevreul sur la perception des couleurs et en particulier à l’idée du mélange optique. Cela signifie qu’ils posent sur leurs toiles des petites touches de couleur pure, laissant ainsi à l’œil du spectateur le soin d’accomplir la synthèse des tons. C’est un travail particulièrement lent et exigeant, qui ne peut se faire en plein air.

Crédits images :©The National Gallery of Victoria.

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Judy MacMahon

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