Claire Louvet: Interview with an artist
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Aujourd’hui j’aimerais vous faire découvrir une jeune peintre lyonnaise.
Claire Louvet est née en 1979 à Sèvres dans la région parisienne mais a grandi et vécu la plupart de sa vie à Lyon.
Graphiste de profession, la peinture a toujours été sa « pleine expression », et plus qu’elle n’a choisi la peinture, la peinture l’a choisie.
Claire Louvet in a shed in the Park19 Artspace in Guangzhou, China.
Ce mode d’expression artistique, ce mode de représentation du monde est si usité par l’Homme depuis toujours, que c’est un immense défi personnel que de défier l’art en tant que peintre.
En effet, l’Histoire est lourde de grands maîtres et de chef-d’œuvres, alors ce n’est en rien facile de prendre un pinceau, de se tenir face à une toile vierge et d’y confronter tout son être.
Au-delà de toute interprétation intellectuelle, il y a l’acte, il y a la matière, il y a l’émotion, il y a un être humain qui nous permet, toile après toile, d’apercevoir l’invisible, de traduire l’indicible, et qui nous emmène là où nous ne sommes jamais allés.
Les toutes premières toiles de Claire Louvet, influencée par le fauvisme, étaient colorées et teintées d’exotisme, puis son travail s’est rapproché de l’expressionnisme abstrait.
Sans jamais être réellement figuratifs, l’on devinait des sujets, on pouvait reconnaître des formes familières, mais éthérées, en cours de disparition ou peut être en train de réapparaitre…
Et de ces formes et de ces couleurs, qui partaient en fumée ou qui se délayaient comme de l’encre, un sujet est apparu : une femme.
“Penthesilea” By Claire Louvet
Je ne dirais pas « la Femme », car elle est celle d’une artiste, elle est une question, pas une réponse.
Avec elle, l’étendu du cercle chromatique s’est restreint pour devenir austère et la sensualité de la femme s’est recouverte de pierre.
Pourtant dans les postures de ces corps blancs, on sent la passion. Dans ces pointes de rouge sang, on perçoit la vie.
Que son travail soit esthétique pour les uns et pas pour les autres, ce n’est qu’un détail de débat. Ce qui est ici exprimé, ce que l’on ressent face ces toiles ou face à ces femmes est plus intéressant.
Personnellement je cherche encore ce qu’elles représentent pour moi, et je reste fascinée par quelque chose que mon esprit ne comprend pas mais que ma sensibilité reconnaît.
Claire d’où vient ta passion pour la peinture ?
Comme tous les enfants, je dessinais. Et si en grandissant ils arrêtent, moi j’ai continué. La peinture ne m’intéressait pas alors. Mais un jour, dans un dictionnaire, j’ai eu un coup de foudre pour un tableau de François Gérard « Cupidon et Psyché » et je me suis dit : « Ce n’est pas possible que des Hommes puissent faire cela… »
J’avais quatorze ans et à partir de ce moment là, je me suis intéressée à la peinture, à l’art, et j’ai commencé à peindre.
Qu’est-ce qui nourrit le plus tes œuvres, ton imagination ?
Esthétiquement tout ce qui appartient au passé ; une œuvre ancienne, une architecture, une rue pavée vont plus me toucher qu’un paysage.
Et par extension tout ce qui raconte quelque chose. En observant un vieux bâtiment ou un visage marqué, on peut lire une histoire, une blessure, cela donne une profondeur, un relief, une dimension supplémentaire qui n’existe pas, à mes yeux, avec un beau visage lisse ou une construction moderne.
Quels artistes, quelles œuvres t’ont inspirée ou t’ont marquée ?
Le roman Aurélien d’Aragon, le film de Marcel Camus Orfeu Negro, celui de Peter Brook Moderato cantabile d’après le roman de Marguerite Duras, ou encore le travail de l’artiste contemporaine Ann Hamilton.
Je sais que tu t’intéresses aussi à la vidéo, quel rapport entretiens-tu avec ces deux formes d’expressions ?
A part l’image qu’elles ont en dénominateur commun, ce sont deux approches totalement différentes. La peinture est quelque chose d’assez physique, on est en tête à tête avec la matière, avec la couleur et la notion de temps n’est pas la même.
Ce que j’aime dans la vidéo c’est qu’en plus de la couleur, de la composition, il y a un mouvement qui donne un rythme et comme dans un opéra, un ballet, où l’on ajoute à une musique des danseurs. On multiplie dans la vidéo les rapports aux sens.
Si une toile se pose en icône, face à laquelle on se recueille comme dans un lieu de culte, avec la vidéo on s’offre une danse avec l’image.
Il y a trois ans tu as décidé de partir vivre dans une résidence d’artistes en Chine pour t’immerger entièrement dans ton art. En tant que française et artiste comment as-tu vécu cette rencontre avec cette autre culture, si différente de la France ?
Avec énormément d’exaltation : tellement de choses nouvelles s’offraient à moi, des choses qui paraitraient parfaitement incongrues en France étaient totalement normales là-bas; autant de nouveauté, c’est rafraichissant.
Mais, au fil de ces deux années passées là-bas, je n’ai jamais pu quitter ma place de spectatrice pour celle d’actrice, je suis restée à l’extérieur sans pouvoir m’intégrer et je me suis alors sentie isolée.
J’ai toujours beaucoup voyagé, mais s’expatrier est différent.
Tu es revenue depuis quelques mois, qu’es-tu contente de retrouver en France et a contrario qu’est-ce que tu regrettes de la Chine ?
Je suis contente de retrouver mes amis, ma famille, et puisque je ne parlais pas le chinois, un confort en terme de communication, tout est beaucoup plus simple évidemment.
Et de la Chine me manquent la simplicité et la gentillesse des gens.
Quels sont tes endroits préférés en France ?
Il y avait le café Chez mimi à Lyon mais il a fermé et a été démonté, décoration, meubles et murs, pour être remonté en Australie ! (Rires)
Paris bien sûr, parce que la moindre poignée de porte est sublime, et que Paris est comme un Versailles géant.
Et dans le sud-ouest de la France, le Périgord noir (Quercy Périgord), pour son climat, ses paysages vallonnés qui servent d’écrin à de très jolis villages médiévaux et châteaux.
Je te remercie Claire pour le temps que tu m’as accordé, et te remercie de la part de My French Life pour avoir partagé tout cela avec nous.
Pour plus d’informations sur Claire Louvet, voici son site internet.
J’aime beaucoup tes peintures Claire. Elles sortent vraiment de l’ordinaire et ont selon moi quelque chose de vraiment moderne. J’aime beaucoup la couleur rouge utilisée pour le tableau intitulé “S.”.
Partir en Chine a vraiment du être une expérience extraordinaire pour toi. Ce n’est pas facile de partir dans un pays ou la langue et la culture sont si différentes de la notre. Tu dis que tu n’as pas pu quitter ta place d’observatrice pour celle d’actrice; qu’est ce que tu aurais aimé faire pour te sentir plus active?
Pour moi qui aime l’art, le travail de Claire Louvet est une très belle découverte! Un coup de coeur pour le triptyque ainsi que les représentations du corps féminin. Merci pour ce partage Armance!