Comment l’Australie n’est pas devenue française – Part 1

Cécile Mazurier 31-05-13 1

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La France, aux côtés de la Hollande et l’Angleterre, joua un rôle important bien que méconnu dans l’exploration du Pacifique et de l’Australie. Il n’en reste aujourd’hui que quelques noms de banlieues hors de prix et un musée. Que s’est-il passé ? La première partie des expéditions en Australie démarre avec le commandant Kerguelen et son second, Louis Aleno de Saint-Aloüarn en 1771.

Aristote puis Ptolémée parlaient déjà du mythe de la Terra Australis Incognita, une terre sensée rétablir l’équilibre de celles, connues, de l’hémisphère Nord. Son existence généra beaucoup de doutes et de spéculations. Tandis qu’au XVIIIe siècle les Aborigènes vaquaient tranquillement à leurs occupations, l’Europe mourrait d’envie de mettre la main sur cette Grande Terre du Sud.

Le déclin de l’Empire français

Au XVIIIe siècle l’Empire français se disloquait. La France avait perdu la guerre des Sept Ans et ses colonies en Inde, au Canada et aux Caraïbes. Elle avait également cédé ses territoires en Amérique du Nord aux Anglais. Depuis le Cap York, James Cook déclara la côte est-australienne possession de la Couronne. L’Empire britannique était devenu la première puissance mondiale. On est en avril 1770.

Pour la France, c’en était trop. On n’allait quand même pas se laisser marcher sur les pieds par des rosbifs. Au même moment, les idées des Lumières, en germe depuis l’Antiquité, étaient en plein débat. L’éducation, à travers l’expérience et la raison, cherche à émanciper l’individu de la tutelle religieuse et de l’autorité. La notion de voyage est au cœur de ce désir de compréhension d’un « esprit humain », de l’histoire et de confrontation à soi-même. Ce mélange d’ego maltraité, de compétition acharnée et de curiosité constituait la base de cette course-poursuite jusqu’au Grand Sud, menée par des navigateurs expérimentés pour qui le risque et l’aventure s’injectaient en intraveineuse.

L’expédition ratée du navigateur français Kerguelen

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Louis XV lança la première offensive en 1771 dans le but d’approfondir les découvertes de Cook, établir des relations commerciales et amicales avec les locaux, et restaurer le prestige naval français. Le commandant Kerguelen et son second, de Saint-Aloüarn, partirent en mission vers la Terre Australe. L’expédition, semblable à une opération de la CIA, était tenue secrète ; personne à bord n’avait connaissance de la réelle destination.

Ce n’est cependant pas Kerguelen qui nous intéresse ici. Car Kerguelen s’était planté. Naviguant depuis l’Isle de France dans deux bateaux différents, les deux navigateurs furent séparés dans le brouillard. Kerguelen confondit un petit archipel inhospitalier pour la Terre Australe, planta son drapeau et rebroussa chemin. Trois ans plus tard, James Cook, dans sa grande bonté, nomma cet archipel, plus connu sous le nom d’îles de la Désolation, d’après le commandant Breton. L’ironie est trop belle.

Un étrange dénouement pour la France

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De son côté, de Saint-Aloüarn, confus et perdu, continua à naviguer vers l’est, et mit l’ancre à Shark Bay en mars 1772. Le 30 mars, depuis Turtle Bay, la moitié ouest du pays est déclarée possession de Louis XV. Le commandant enfouit dans le sable deux bouteilles de vin, chacune sertie d’un Louis d’argent, contenant les parchemins de la prise de possession de la Nouvelle-Hollande.

De Saint-Aloüarn, épuisé par le voyage et fiévreux, se mit alors sur le chemin du retour mais mourut sept mois plus tard sur l’Isle de France. Avant sa mort, il prit malgré tout soin d’écrire une lettre à Kerguelen, qui n’y répondit jamais. De Saint-Aloüarn tomba dans l’oubli. Ce n’est qu’en 1998 qu’une équipe d’archéologues, dirigée par Philippe Godard, découvrit la première relique de l’expédition : un Louis d’argent sur une capsule de plomb.

La France possédait bel et bien la moitié du continent Australien et n’en a jamais rien fait. Incroyable, non ? 

Crédits images :
1. Les proportions décadentes de Terra Australis en 1616 vues par le Hollandais Pertus Bertius, via pinceton.edu
2. James Cook et Joseph Banks, deux gentlemen britanniques en habits blancs plantant le drapeau britannique à Botany Bay, via The Australian
3. Les îles Kerguelen, fierté de la France, célébrées par un timbre en 1972, via webtimbres.com
4. En 2007, la France célèbre Louis de Saint-Aloüarn avec à nouveau… un timbre, via Philatélie de Staaf

About the Contributor

Cécile Mazurier

Three things about France I miss and how writing is (among other things) a way to sublimate the loss: 1. red wine 2. cornichons 3. sarcasm. I live in Sydney and I like demystifying clichés. You can contact me on LinkedIn or follow my non-adventures in my blog.

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