Vive la convivialité française !
Je suis au travail, entourée de mes collègues. Nous sommes 16 dans le même bureau. Oui, Les « open space » sont également arrivés en France !
Désormais, cet aménagement de l’espace de travail est plus qu’à la mode. Quand j’arrive le matin, j’ai le plaisir de traverser tout le bureau avant de rejoindre ma place : je fais la bise à certaines personnes et échange quelques mots avec elles avant de partager un autre moment d’intimité avec d’autres collègues au fond du bureau.
Vous vous demandez peut-être pourquoi « intimité » ? Et bien parce qu’on parle un peu de tout et de rien, non seulement avec les collègues mais aussi avec les clients et les fournisseurs.
Assise à mon bureau, j’entends une collègue à ma droite parler de la qualité des couches de bébé avec l’un de nos clients. Sur ma gauche, une autre collègue est assise sur le genou du chef ! Problème : je n’arrive pas à avancer sur mon projet avec autant de distractions. A chaque fois, je me demande comment ces personnes font pour être efficaces en travaillant si peu de temps sur leurs projets !
A midi, je mange au self. Assise autour de la table, ma collègue détaille devant les huit autres le déroulement de ses rencontres de la semaine dernière sur « Meetic » (le site internet français de rencontre). J’écoute passionnée, mais gênée par cette intrusion dans la vie privée à laquelle je ne peux me soustraire et quitte la table. Néanmoins, il est vrai que passer un jour au travail est distrayant, enrichissant et peut finalement être considéré comme « rentable » sur le plan économique car il réduit les dépenses de sorties, cinéma ou théâtre…
Après le repas, nous prenons un café ensemble et parlons du mari d’une collègue qui lui est apparemment infidèle…
Retour au travail, j’entends mon chef au téléphone demander à Nathalie, une des clientes, comment se sont passées ses vacances en Italie. Il en parle pendant 30 minutes. D’ailleurs, mon chef la tutoie, comme tous ses clients, à la différence de son équipe qu’il préfère vouvoyer. Pas nécessaire de mentionner qu’ils sont tous ses amis : « On est proche comme les membres d’une famille, une grande famille ! » Ce que j’ai compris après quelques années en France, c’est que la « vie perso » et la « vie pro » ne connaissent pas de véritables frontières.
Nous les allemands, on dit que nous séparons la « vie pro » de la « vie perso ». Cela me vient rarement à l’idée de partager mes problèmes de couple avec mes clients allemands.
En France en fait, il s’agit d’un rapprochement, d’une intimité, en tout cas si les relations sont bonnes. Les relations sont très importantes, surtout si l’on peut les nouer avec des partenaires professionnels.
Chaque fois, quand je prends le téléphone pour parler à mon client, j’hésite, je lui demande gentiment comment il va : quelque chose de naturel. Ensuite, je passe à l’essentiel, c’est à dire l’objet de mon appel ! Je veux respecter son intimité. Je ne veux pas pénétrer dans son espace privé.
En fait, c’est seulement au bout de quelques années, en discutant avec ma collègue bulgare qui ressent les mêmes choses que moi que j’ai compris que mon patron attend cela de moi. Que je franchisse cette limite. Que je rentre dans cette zone privée. A défaut, on peut facilement être considéré comme quelqu’un de froid, peu chaleureux, même parfois incompétent ! On m’a même dit un jour que j’étais trop efficace ! C’est vrai, je ne passais pas des heures à discuter du beau temps et de mon cycle menstruel avec mes collègues. Concentrée sur mon projet, j’avais envie de finir ma mission le plus tôt possible.
Désormais, je commence à tester, à pratiquer cette approche nouvelle pour moi. Je remarque que la communication passe mieux et que la collaboration est meilleure.
Après quelques années en France, je commence à réellement sympathiser avec mes collègues. Je parle moins de l’objectif du projet, des tâches à remplir. Je ressens un certain bien-être… J’ai l’impression d’être plus humaine. Vive la convivialité française !
All images © Julia Noyel
Je suis française et pourtant, je crois que séparer vie personnelle et vie professionnelle est une bonne chose. Le problème, c’est que ça peut vite tourner au vinaigre et devenir invivable. Il suffit d’une mésentente sur un sujet perso pour que ça infecte tout l’environnement professionnel. Et s’asseoir sur les genoux de son patron me semble pas être une pratique très normale mais en France ^^.
Very interesting comment! Effectivement, la question qui se pose: est-ce cela peut se laisser appliquer / généraliser sur tout un pays ou cela depend de chaque personne (introverti, extroverti, etc.)? Des lectures intéréssantes existent à ce sujet écrit par Hofstede, E.HAll etc. à ce sujet (culture à contexte faible versus culture à contexte forte, spécifique vs. diffuse etc.)
Je suis française, j’ai travaillé dans différentes entreprises et j’ai connu ce type d’expérience dans certaines d’entre elles.
Dans d’autres pays comme les pays anglo-saxons, les discussions plus personnelles ont lieu me semblent ils dans les pubs après le boulot ?