Apero, Chez Roger (Fr & Eng)

In French (for the English version, see below)

Shannon Guy, 04/12/2011

Roger aujourd’hui, à l’âge de 84 ans.

Il est dit que chacun a un livre en soit. Pour certains, c’est peut-être une histoire courte. Pour d’autres, un recueil. Si ma vie peut se résumer à une simple histoire à la Simone de Beauvoir « Quand prime le spirituel », l’histoire de Roger peut s’étendre sur 1,5 million de mots de Proust « À la recherche du temps perdu ».

Je me souviens du jour où j’ai rencontré Roger pour la première fois. Roger, une légende du village, un homme presque de la Renaissance, m’a accueilli avec quatre bises et un verre de champagne. Au cours des six prochains mois, j’aurai le privilège d’entendre ses histoires, des histoires de guerre et de paix, d’usines et de vignobles, de basketball et de théâtre, des histoires de famille. Chaque fois, j’étais tenue en haleine. Chaque histoire, racontées par un esprit de 84 ans et d’une clarté incroyable, a révélé un peu plus sur ce qui fait Roger, lui-même. Et, plus important encore pour un pays qui valorise son patrimoine, chaque histoire a révélé que la France a sa pièce vivante du patrimoine à Trélou-sur-Marne.? Né en 1928, il était un jeune adolescent pendant la deuxième guerre mondiale. Il peut se rappeler des soldats français qui étaient derrière sa maison. Il connait le nom du bataillon (Premier Batillon de Chausseurs Aux Pieds) et se rappelle même le nom des soldats. A douze ans et demi, il allait chercher les bouteilles de champagne. Les bouteilles coutaient 12 francs pièce à l’époque. Il se souvient aussi des soldats allemands qui sont venus plus tard sous l’occupation de la France de Vichy au nord de la ligne. Il se souvient de l’écoute du célèbre discours du Général De Gaulle à Londres qui inspira une nation entière sous occupation étrangère.

A 29 ans, il fut frappé, dans les vignes, par la foudre d’un orage et il survit miraculeusement. Il s’en souvient très peu, à part de ce qui s’est passé par la suite; son transport vers l’hôpital de Soissons d’abord, puis celui de Paris. Il était sourd et incapable de parler. Le médecin de Paris qui avait entendu de bonnes choses à propos d’un médecin à Bordeaux spécialisé dans le traitement de la surdité, y envoya Roger en consultation. Il y eut 10 séances en chambre hyperbare, sans aucune amélioration de son nerf auditif endommagé. Le médecin, sur un caprice, a décidé de lui donner cinq séances de plus. Sur la quinzième et dernière séance, Roger entendit un sifflement profond émanant de son oreille gauche. C’est alors qu’il a commencé à retrouver une partie de son ouïe. Il a appris seul à lire sur les lèvres, et un système d’électrodes a par la suite été installé dans son crâne. Il a été testé annuellement pendant des années car la profession médicale à l’époque avait peu d’expérience avec les blessures de son type.

Shannon Guy, 04/12/2011

Certaines des licences et des permis.

Une personne avec moins de joie de vivre aurait renoncé bien avant. Mais pas Roger. Il a travaillé de 1942, lorsqu’il a commencé son apprentissage mécanique, jusqu’en 1984, son travail étant ponctué par une seule année de service militaire. Mais il est un homme ayant beaucoup de centres d’intérêts, amoureux du travail simple et  jamais satisfait (toujours en quête) de joie, joie qu’il trouva également dans d’autres activités. Il fut un membre de la troupe de théâtre « Les Joyeux Comédiens » à Dormans. Il a conservé les photos et ses cartes de Fédération Nationale de Théâtre. Il a joué au basket, et oui, il a encore les bulletins de la « Commission de Basket-Ball Club Sportif Château-Thierry », daté de 1948. Il a joué de l’harmonica avec les grands, Yvette Horner notamment. Roger et sa femme Denise ont  élevés  deux filles. Il est ensuite devenu un grand-père de quatre enfants, et a aujourd’hui trois arrière-petits-enfants. Il conserve une immense fierté pour son nom, son ascendance, son héritage – il a un arbre généalogique remontant à l’an 1100 environ. Sa passion pour apprendre, pour l’histoire, est évidente.

Shannon Guy, 04/12/2011

Roger dans ses jours de théâtre, à l’extrême gauche.

Chaque jour depuis plus de 40 ans, il note les températures du matin et du soir dans des cahiers d’exercices auxquels il peut se référer pour analyser les tendances météorologiques – c’est peut-être la curiosité de celui qui a travaillé dans les vignes, et dont la récolte dépend du temps. Il voyage fréquemment, en Turquie, à Cuba, à travers la France. On le trouve souvent à sa table, la tête enfouie dans un livre d’histoire. Pendant les vendanges, à l’aube de ses 84 ans on peut encore le trouver dans les vignobles de sa famille, coupant cérémonieusement les raisins dans une route, son arrière-petit-fils prêt de lui et prêt pour l’apprentissage.

Comment est-il possible de distiller 84 ans d’une vie si peu commune, une vie colorée par une multitude d’expériences riches en 600 mots? Le simple fait est que c’est impossible. Il aurait besoin d’un biographe, quelqu’un prêt à saisir toute l’histoire qui repose actuellement dans la tête de ce grand homme. Un biographe avec l’éthique de Proust, quelqu’un prêt à taper 1,5 millions de mots sur son ordinateur. En attendant cela, je vais savourer mes apéros Chez Roger, où je peux être le destinataire de ses histoires.

Apero, Chez Roger (ENG)

It is said that everyone has a book in them. For some, perhaps it is a short story. For others, an omnibus. If my life can be captured in a mere story from Simone de Beauvoir’s When Things of the Spirit Come First, Roger’s story would perhaps extend to the 1.5 million-odd words of Proust’s In Search of Lost Time.

I remember the day I first met Roger. Roger, a village legend, a bit of a Renaissance man, welcomed me with four kisses and a glass of champagne. Over the course of the next six months, I would be privileged to hear his stories; those of war and peace, of factories and vineyards, of basketball and theatre and of family and history. Each time, I’d be left wanting more. Each story, recounted in almost unbelievable clarity by a mind of 84-year-old, revealed a little more about what makes Roger, Roger. And more importantly, for a country that so values its patrimony, each story revealed that France has its very own piece of living patrimony in Trélou-sur-Marne.

Born in 1928, he was a young teenager during WWII. He can remember the French soldiers behind his house. He knows the name of the battalion (Premiers Batillons de Chausseurs Aux Pieds) and even recalls the name of the soldiers. As a twelve and a half year old boy, he would fetch bottles of champagne for them. The bottles cost 12 francs each back then. He remembers the German soldiers that came later through the occupation of France above the Vichy line. He remembers listening to De Gaulle’s famous speech from London, inspiring a nation under foreign occupation.

In his late 20s, Roger was struck by lightening while out in the vineyards. He doesn’t remember much of the storm, which he miraculously survived. He remembers the aftermath, though; going to hospital firstly in Soissons, then in Paris. He was left deaf and mute. The doctor in Paris referred him to another doctor in Bordeaux, who was succeeding in treating deafness.Roger had ten sessions in a hyperbaric chamber with no improvement to his damaged auditory nerve. However, the doctor, on what seemed like a whim, decided to give him a another five sessions. On the fifteenth and final session, Roger heard a deep hiss emanating from his left ear. It was then he began to regain some of his hearing. He taught himself to lip read and, later in his life, was operated on to install a system of electrodes in his skull from which a hearing aid could function. He was tested annually for decades, as the medical profession had little experience with injuries of his type being successfully treated.

A person with less joie de vivre may have given up long before. But not Roger. He worked from 1942, when he started his mechanical apprenticeship, right through until 1984, his work history only punctuated by a year of military service.

Shannon Guy, 04/12/2011

Roger during his military service.

But he is a man of many interests and work never provided the joy that he found in other pursuits. He was a member of the feted “Les Joyeux Comediens” theatre troupe at Dormans. He stills has the photos and his Fédération Nationale de Théâtre licence. He played basketball, and yes, still has the newsletters from the Commission de Basket-Ball Club Sportif Château-Thierry from 1948. He played the harmonica with the great Yvette Horner, amongst others. He and his wife Denise raised two daughters. He later became a grandfather to four and, today, is a great-grandfather to three. He retains enormous pride in his name, his ancestry, his heritage – he has the family tree dating back to circa. 1100. His passion for learning and for history is evident.

Shannon Guy, 04/12/2011

Souvenirs from the theatre.

Every day for more than 40 years he has noted the morning and evening temperature, kept in exercise books to which he can refer back and analyse trends – perhaps it is the curiosity of one who has worked in the vineyards, where the weather makes or breaks a champagne season. He travels frequently, to Turkey, to Cuba and around France. One often finds him at the table, his head buried in a history book. During the grape harvest, at the ripe of age of 84, one can still find him in his family’s vineyards, ceremoniously cutting the grapes in a route, his great-grandson at his feet learning the ropes.

How is it possible to distil 84 years of a life less ordinary, coloured by a multitude of rich experiences, into 600 words? The simple fact is that it is not possible. He needs a biographer, someone to capture all the history that currently rests in this great man’s head. A biographer with the ethic of Proust, someone willing to tap out 1.5 million words on their computer. Until then, though, I’ll savour my aperos chez Roger, where I can lose hours listening to these stories.

 

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Shannon Guy

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3 Comments

  1. Pascal Inard Dec 20, 2011 at 8:59 AM - Reply

    L’histoire de Roger mérite vraiment d’etre racontée, merci de nous la faire partager.

  2. Julie Chamand Dec 20, 2011 at 10:30 AM - Reply

    It would be such a shame if his story was lost. I wish I could join you for an apero and hear it all from the horse’s mouth!

  3. Shannon Guy Dec 20, 2011 at 1:03 PM - Reply

    You’d be there a while, Julie! One bottle of champagne quickly turns into two, with the offer of three always given! Apero, Chez Roger – so good for the soul, less good for the liver!

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