Godard – Truffaut : deux cinéastes français, une relation passionnelle
François Truffaut, Jean-Luc Godard : deux noms mythiques du cinéma français associés à celui de la Nouvelle Vague.
Une sincère amitié d’enfance, remplie de rêves et d’idéaux, qui ne survivra pas à mai 68 : retour sur l’oeuvre de deux cinéastes hors normes.
This article is in French. Click here to read it in English.Ces “jeunes turcs” français
Le cinéma réunit les deux hommes en 1949, au ciné-club d’Eric Rohmer. Ils participent activement à la publication des Cahiers du Cinéma. Rapidement, ils deviennent des “jeunes turcs” : leurs articles sont provocateurs et assassinent l’establishment qui sclérose l’entreprise du cinéma français. Truffaut, à la plume polémique redoutée, qualifie le Festival de Cannes de corrompu, académique, sans horizon. L’incarnation d’un cinéma vieillot, enfermé dans ses textes et son studio, joué par des acteurs trop vus. Un cinéma “crevant sous ses fausses légendes“.
Ensemble, ils se promettent de donner un nouveau souffle à un système fermé et hiérarchisé : fini le cinéma “de papa” qui s’enracine toujours un peu plus, et place à la jeunesse, à la provocation, à la vérité du cinéma. La Nouvelle Vague naît ainsi d’une amitié sincère, centrée autour de l’amour du cinéma et prête à donner de l’espoir à la jeune génération.
Leurs débuts au cinéma
Ces enfants du cinéma français font alors leurs débuts de metteurs-en-scène. Faits de petits budgets et de beaucoup de débrouillardise, leurs courts-métrages surprennent le public par la jeunesse des acteurs, la liberté de narration, les méthodes de tournage. Renonçant à l’élégance d’une ère révolue, ils oublient le calcul et la fixité du jeu, mêlent réalité et fiction.
Ils adulent les mêmes cinéastes qui leur apprennent à voir, à filmer, à dire la vérité (Renoir, Rossellini, Lang, Bergman et principalement Hitchcock). Le cinéma godardien montre qu’il existe plusieurs vérités et celles-ci s’expriment dans le montage et l’association de toutes formes d’art, de la poésie à la chanson. Chez Truffaut on retrouve cette soif de vie : ses films, d’une sincérité et innocence absolues, priment largement sur toute perfection technique.
Une amitié de combat
Le 4 mai 1959, Truffaut fait ses premiers pas sur le tapis rouge avec “Les 400 Coups“. La Nouvelle Vague est consacrée évènement public en France.
Dans l’ombre, Godard sait qu’il ne doit pas rater le mouvement. L’année suivante, il lui offre son premier long métrage : “A Bout de Souffle“. Ce manifeste de la Nouvelle Vague témoigne de l’essoufflement d’une époque et veut marquer un nouveau départ. Effectivement, Godard joue avec le monde chaotique de la jeunesse parisienne sur un ton provocant et amusé. Il s’entoure d’acteurs inconnus qui agissent spontanément et qui se libèrent devant la caméra. C’est l’oeuvre d’une étroite collaboration fraternelle entre Godard et Truffaut. Lorsqu’il parle de son ami, Truffaut ne mâche pas ses mots : au cinéma, “c’est lui qui respire le mieux”.
La rupture
Après mai 68, le duo prend deux directions différentes.
Godard s’insurge contre le cinéma français qui délaisse les problèmes sociaux et les ouvriers. Il se radicalise dans ses positions, pour faire des films politiques. A ses yeux, le cinéma, c’est s’engager et prendre parti. Truffaut, lui, poursuit son cinéma qui se veut beau et sincère. Après la projection de “la Nuit Américaine“ (1973), ils s’échangent des lettres incendiaires. Au travers de ses films, Truffaut se dit contre l’instrumentalisation politique. Ils ne se reverront plus jamais.
C’est au cinéma que les deux de la vague se sont rencontrés, c’est par amour du cinéma qu’ils se sont accompagnés. C’est aussi pour le cinéma qu’ils se sont séparés, comme si ces enfants des années 50 ne s’étaient construits qu’au travers de ce genre noble aux pouvoirs magiques et dont leur vie aurait toujours dépendu.
Et vous, quel est votre film préféré de la Nouvelle Vague ?
Références :1. Une esthétique de l’authentique : les films de la Nouvelle Vague, A. Steinlein (2007).
2. Nouvelle Vague ? J. Siclier (1961).
3. Film ‘Deux de la vague’, réalisé par Emmanuel Laurent (2010) Crédits images :
1. Godard, sans doute inspiré par Emmanuel-Joseph Sieyès, par Mypouss sur Flickr.
2. Godard making the last shot of 2 or 3 Things, par Ian W.Hill sur Flickr.
3. Jean-Pierre Léaud, ‘Les 400 coups’ (1959), sur Wikipédia.
4. Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo, ‘A bout de souffle’ de Jean Luc Godard (1960), par Andrés Fevrier sur Flickr.