Bienvenue dans la jungle – 1

J’ai été un peu chanceuse. Avant d’arriver à Los Angeles il y a deux ans, j’ai su m’accommoder aux us et coutumes du trafic routier américain, grâce à trois années passées dans la ville de New York.

J’ai également eu l’opportunité, un été, de parcourir les Etats-Unis en traversant vingt-six de ses états en bus Greyhound. J’ai beaucoup conduit à Paris et en région parisienne, où j’ai vécu une dizaine d’années auparavant. Je me suis donc dit qu’en achetant ma première voiture ici à L.A, sillonner les routes et autoroutes de la ville devrait être a piece of cake, ou comme on dit chez nous en Gaulle « les doigts dans le nez ». Mais que nenni.

Sophie Fung 10/08/11

Ma première semaine à cheminer l’autoroute 405-N, reliant le nord-ouest et le sud-ouest de la ville, fut bien laborieuse ; elle s’est soldée par mon premier signe de « bienvenue dans la jungle ». De retour du travail, alors qu’à la radio passait la célèbre chanson des Guns N’ Roses Welcome to the Jungle, j’assiste stupéfaite au secours d’un camion en feu, arrêté sur la bande d’arrêt d’urgence.

Les flammes s’échappaient de la cabine déjà à moitié calcinée et atteignaient les trois mètres de haut. Un peu abasourdie par la scène à laquelle je venais d’assister, je regagne le domicile que j’occupais avec des colocataires ayant grandi ici, à L.A. Je leur raconte, les yeux grands comme des soucoupes, ce dont j’ai été témoin. Ils me regardent alors d’un air amusé, et se mettent à ricaner gentiment. L’un d’entre eux, qui travaille pour une société de transport d’urgence en ambulance, m’assure que je n’ai encore rien vu.

« Il avait raison » ai-je pensé, reprenant le même air stupéfait quelques semaines plus tard, sur l’autoroute 101-S en direction d’Hollywood. En face, dans la direction opposée, une pauvre fille d’une vingtaine d’années pleurait sur le bas-côté, assise la tête dans les genoux, son téléphone portable à l’oreille. Les voitures derrière elle tentaient de contourner son véhicule arrêté sur la voie de droite.

Sophie Fung 10/08/11Peu à peu un embouteillage commença à se former. Panne d’essence me direz-vous ? Pas vraiment… Cherchez quelque chose de plus créatif. Sa voiture se trouvait là, sur la file des véhicules lents, parfaitement rangée…à ce détail près qu’elle était les quatre roues en l’air, comme une tortue que l’on aurait retournée sur sa carapace.

Je tiens à souligner l’effort réalisé par cette jeune conductrice qui, dans un élan de créativité inspirée par le béton californien, a tenté d’effectuer un salto avant avec sa voiture, tout en conservant un alignement parfait avec le démarquage des voies. Je lui tire mon chapeau, même si la réception en elle-même a échoué, cette malheureuse mérite nos félicitations pour cet essai audacieux.

Quelques mois plus tard, un samedi en pleine nuit, un canapé décida lui aussi de faire une pirouette au beau milieu de cette portion d’autoroute, juste à côté du Hollywood Ball. À croire que certains cherchent décidemment à se faire connaître à tout prix… Le canapé et la jeune fille ne sont que quelques exemples assez cocasses de ce que le paysage routier de L.A nous offre parfois.

Une chance que le système de secours d’urgence des Freeways  soit assez efficace pour assurer au quotidien une relative bonne circulation de ces quelques 12 millions de voitures. Los Angeles est une ville tentaculaire, dépendant entièrement des pieds â la tête, des autoroutes qui l’entourent. Engagez une conversation avec les Angelins, sur la manière de développer les transports en commun à L.A, et la plupart hausseront les épaules et préfèreront vous parler des risques de tremblements de terre, ou de l’indétrônable « car culture ».

L’annonce de la fermeture tout un week-end, d’un tronçon d’une quinzaine de kilomètres, sur l’un des axes les plus empruntés de la ville, conduit au déferlement d’ une vague de terreur sur les habitants de L.A, qui parlèrent alors de « Carmaggedon ». Ce terme laisse entendre un désastre aux proportions bibliques, un embouteillage cauchemardesque sur tous les itinéraires alternatifs. D’embouteillage, il n’en fut rien, bien au contraire : la circulation ce week-end-là fut extraordinairement fluide. Tout le brouhaha autour de la fermeture de cette portion d’autoroute illustre exactement le lien de forte dépendance mentale que les habitants de L.A entretiennent avec les Freeways. Un bloggeur local les compare savamment au café : « Elles donnent l’effet aux être humains d’être plus productifs, alors que leur seul effet est de les rendre plus irritables », écrit-il. Il ajoute : « Privez-en les, ils deviennent encore pires ! »

Regardez cette vidéo !

http://www.youtube.com/watch?v=deBeDYADMeA

All Images © Sophie Fung

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Sophie Fung

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5 Comments

  1. Virginia Jones Nov 11, 2011 at 3:02 PM - Reply

    sophie,
    I was just in LA a few weeks ago seeing many blog friends there. I wish I could have met you as well. It’s a great city with lots to do and LOTS of traffic! Maybe my next visit I can meet you.
    V

  2. Guylaine Simone Gamble Nov 12, 2011 at 3:40 AM - Reply

    Encore plus “rigolo” de conduire à L.A avec 3-4 gouttes de pluie, non? 🙂

  3. Julie Gourichon Nov 12, 2011 at 9:12 PM - Reply

    Quand j’ai passé quelques mois aux Etats-Unis, on m’a dit: si tu vas à L.A, tu verras, ils conduisent comme des fous. Une américaine m’a même dit que la seule ville dans laquelle elle conduisait pas c’était bien Los Angeles. Elle m’a dit qu’elle avait vraiment peur 🙂 Je comprends mieux pourquoi avec ton article ^^

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