Melbourne en 2CV : du pilotage à la française
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Nans a 35 ans mais en fait six de moins, il porte une marinière bleue et une moustache et non seulement est-il pâtissier (« Chouquette », installée à Sydney Rd, va fêter ses quatre ans) mais aussi organise-t-il des visites de Melbourne dans sa 2CV baptisée T1TINE (le « 1 » parce que « TITINE » était déjà pris. Un scandale).
Agée d’à peine 24 ans, elle a une sacrée allure, la T1TINE, avec sa brillante carrosserie grise. Un mercredi après-midi, mon amie Nadège et moi avons embarqué avec Nans pour une virée à Williamstown.
La 2CV en Australie, une affaire de passionnés
Le connaisseur de 2CV en Australie, c’est un dur, un vrai, un tatoué. On ne trouve aucun revendeur ici ; chaque voiture, fabriquée en Angleterre (le volant à droite !), a dû être personnellement importée par bateau. Nans a trouvé la sienne à la suite d’une chasse continue sur Ebay pendant cinq ans.
– « Et pour l’entretien ? »
– « Il y a un garage Citroën sur Smith St. Il a toutes les 2CV de Melbourne. »
Je sens d’ici se profiler des scènes à la Martin Scorsese dans ce garage Citroën, avec deals de pièces et discussions insondables pour le non-initié.
« J’en vois une blanche et rouge à South Melbourne. Et une sur Smith St, qui a gardé sa plaque française. » On se reconnaît entre amateurs de 2CV. « Les gens klaxonnent. Ceux qui connaissent. »
A la différence des voitures modernes aux pares-brises luisants et aux intérieurs épurés, la 2CV ressemble à une carcasse, avec sa mécanique rudimentaire et ses pièces apparentes, et est connue pour sa robustesse malgré son gabarit (1). Et c’est ce qui fait tout son charme.
Voir Williamstown. Et mourir.
Il est exactement 15h quand Nans vient nous chercher à Collingwood. Le soleil a enfin décidé de se montrer pour l’après-midi et nous rencontrons T1TINE à moitié à poil, capote enlevée. « J’avais pas encore levé le toit cette année. »
Le moteur crache et nous embarquons pour Williamstown. Les maisons victoriennes de la banlieue défilent sur les côtés et T1TINE se fraie un chemin au milieu des possessifs et arrogants 4×4 avec l’assurance d’une cheerleader. Petite mais insolente. On descend vers Flemington et longe l’hippodrome. Le soleil commence à taper sévère et les cheveux à s’emmêler. Melbourne paraît immense lorsqu’on lève les yeux au ciel en roulant au ras des pâquerettes.
Footscray marque son territoire avec son imposante station de train en forme de tube intestinal, un vieux stand à doughnuts tagué et les effluves épicés des restaurants africains. À Newport Park, on commence à sentir la mer et deux minettes en shorts se retournent sur notre chemin en souriant. Le port de Williamstown se découpe sur ma gauche. Nous sommes arrivés.
« Vous voulez une glace ? Apparemment, c’est ce qu’on fait à Williamstown. » Évidemment.
Par-delà le Westgate Bridge
Après une glace parfum noisette sur la jetée, nous repartons. Nans, d’humeur aventurière, décide de traverser le Westgate Bridge. T1TINE se montre nerveuse et réactive. Le vent fouette le visage, l’odeur de l’essence pique les narines et le bruit du moteur nous assourdit ; les sensations de la conduite sont décuplées, on se croirait sur le point de décoller. Comme le précise Nans, la conduite en deux-chevaux (ou deudeuche pour les intimes), « c’est du pilotage. Tu vas pas vomir hein ? »
Nous arrivons saines et sauves à Collingwood, le cœur battant, comme injecté d’adrénaline.
Un tour en deuche, ça se vit à 100 à l’heure.
Vous êtes décidés à prendre la route ? Nans est facile, il va où vous voulez pour quelques heures (sauf peut-être à Alice Springs) et peut être contacté par téléphone : 04 04 231 608 ou par email.
(1) En quittant Flemington, Nans m’apprend que des raids en 2CV dans le désert australien sont organisés tous les quatre ans. Le prochain se déroulera en 2016 et suivra la route Byron Bay-Broome.